Palerme – À en péter un câble… ou un moyeu

Palerme possède le centre historique le plus grand d’Europe, disent-ils. En tout cas, c’est grand et les rues, places, vicoli et bâtiments (rutilants ou en ruine) qui ont du cachet, du chien même, sont légion. La ville a du chien, le genre très grand, très agité.

À vélo, approcher Palerme n’est pas une mince affaire; la circulation dense et incessante, la cohabitation anarchique entre les différents types de véhicules et les piétons, l’air vicié, chaud et étouffant… comme dans toutes les grandes villes du sud.

Mais aussi le revêtement en pavés usés par le temps, polis, lissés par les passages répétés des pneus et des semelles, les nids de poule assez profonds pour y laisser nager un canard, les containers à ordures en bord de route, débordants de sacs éventrés en pleine grève des éboueurs, les ruelles agitées et mal éclairées, les stands de rue sur la rue et les véhicules stationnés en double, voire triple file, juste le temps d’aller chercher ce qu’il faut, lentement. Quant aux pistes cyclables parcellaires, leurs petits tronçons ne présentent pas de liens les uns avec les autres. Contrairement à d’autres grandes villes, du sud ou pas.

Pourtant il y a à première vue pire que Palerme pour rouler à vélo. Le Palermitain est sensé, civilisé bien sûr, et le plus souvent carrément noble dans son approche. Motorisé sur deux ou quatre roues, il va plus vite certes, plus fort, il met moins de marge de manœuvre dans ses évaluations que de coutume non sicilienne, mais il sait freiner et céder le passage si les circonstances le demandent.

Bref rouler à Palerme est sportif, mais c’est possible et un plaisir aussi.

Il y a par ailleurs tant à découvrir, sur une si grande surface, que le vélo permet de passer aisément et rapidement d’un quartier à l’autre, du port au centre historique, de la gare à la cathédrale, du bord de mer à la périphérie et vers les montagnes des alentours, et on peut ainsi se faire une idée de la ville, en prendre un peu la mesure, si cela est possible. Ou plutôt en prendre un peu la démesure.

La via Divisi héberge une série d’officines qui toutes, les unes à côté des autres, réparent les vélos. Le tissu économique est ainsi encore organisé en rues sectorielles avec plusieurs commerces du même type. Il y a la rue dei bicicletai, celle des berrettifici, celles des ferrailleurs… La via Divisi est une adresse indispensable à connaître pour le cycliste, car la bécane peut souffrir rapidement des sollicitations. J’ai pour ma part fait sauter mon moyeu, roue avant bloquée, billes en pagaille. J’y suis passé à la via Divisi, chez le premier des ateliers, à droite en remontant la ruelle depuis la Via Roma. Le patron, un peu enveloppé, avec une moustache grise, ne chôme pas. Pourtant, on ne voit que peu de bicyclettes en ville, justement pour les raisons évoquées plus haut, probablement. Je lui fais la remarque. Il se marre et me dit que ses enfants habitent dans le Pays de Galles (!), qu’il y a vu des énormes, splendides magasins de vélo, rutilants, mais qu’on n’y voit pas non plus de vélos dans les rues. Tout est donc normal.

Le mec démonte, à mains nues, change la roue, la gaine, remonte la chambre à air, le pneu… le temps de l’écrire. Jamais vu ça.

Comme au pit stop d’une course de formule 1. Et je repars dans le dédale des rues de Palerme.

RC