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Une exploration de la bicyclette

Dans le cadre d’une collaboration entre plusieurs entités muséales de Genève, l’exposition Vélo, Équilibres en mouvement ouvre ses portes au Musée Rath, jusqu’au 13 octobre 2024.

Une douzaine de thématiques est développée, par îlots qui dialoguent les uns avec les autres, toujours agrémentés de nombreux modèles de vélos, plus d’une centaine, tous uniques et évocateurs. Parmi ces thématiques on trouve notamment Espace urbain et vélo: une cohabitation difficile (un sujet brûlant dans les villes, en particulier à Genève), Sport et courses: on sprinte au vélodrome (Genève a la chance de disposer d’un vélodrome ouvert au public), Le vélo s’adapte à tous les usages (le vélo militaire, le cargo, le vélo postal, le triporteur…).

Deux éléments de l’exposition impressionnent au premier regard:
– au sous-sol le vélo éclaté, posé à plat contre le mur, pièces par pièces (1472 en tout nous dit-on), préparé patiemment par Giuliano Broggini, dans un tableau final édifiant, beau et d’une complexité inattendue pour un objet comme le vélo finalement d’apparence si abordable et d’utilisation si spontanée.

– une carte du monde, là aussi plaqué au mur, où est listé un nombre qui doit tendre vers l’exhaustivité des différentes occurrences du mot vélo dans toutes les langues, « une déclinaison géographique et linguistique du mot vélo » comme le dit Claude Marthaler. Région par région, on en a le tournis.

Et justement concernant les voyageurs comme Claude Marthaler, un îlot leur est consacré, celui où le vélo « se fait aventure ». C’est ici que sont présentées des personnalités marquantes du voyage à vélo venues de Genève et de Suisse romande: une vitrine est consacrée à Jean-Pierre Vuillomenet où l’on découvre une fabuleuse carte géographie annotée par le baroudeur; une autre partie de cet espace permet d’aller à la rencontre de Claude Marthaler par la présentation de ses carnets de voyage, d’articles de presse datant de ses voyages autour du monde, de photographies… et de son vélo avec lequel il a roulé pendant ses voyages. Ici, il s’agit de « la troisième réincarnation de son yak, soit le quatrième cadre de son tour du monde à vélo… » comme Marthaler a évoqué dans un article paru dans le numéro 23 de cycle! magazine.

Ce compagnon de voyage à deux roues intrigue, par sa patine, la foule de petits éléments accumulés au cours des découvertes et des rencontres qui lui donnent vie, les aspects techniques aussi, avec des plateaux de petites tailles pour mouliner et transbahuter le chargement nécessaire et accumulé sur des années de route. Un Yak stimulant.

Claude Marthaler a par ailleurs écrit et participé à tous les numéros de cycle! magazine. Pour lire ses contributions et celle de tous ses coauteurs et photographes, à l’occasion de la sortie du numéro 22 en décembre 2023 a été proposé le lot « 22 v’là les cycle! » pour garnir sa bibliothèque de la collection complète et se plonger dans des heures de découverte.

Et à propos de découverte, l’exposition Vélo. Équilibres en mouvement est accompagnée d’un livre, tout aussi riche. Disponible au Musée à la boutique de l’exposition, sur la boutique rossolis.ch ou chez votre libraire.

Vélo. Équilibres en mouvement
Julien Berberat Laurence-Isaline Stahl Gretsch, Alexandre Fiette, Giuliano Broggini, Bénédict Frommel, Stéphane Fischer, Pierre-Henri Heinzmann, Claude Marthaler, Bertrand Duboux, Denis Rohrer
Muséum Genève, Éditions Favre
303 pages
9782828921996

Messina – Sur la route qui mène d’une mer à l’autre

Depuis le bord de la mer, en face de la Madonnina qui vous salue et votre ville, on peut se lancer dans une montée brève mais sèche d’abord en ville, puis après être passé sous les rampes aériennes de l’autoroute, en forêt jusqu’au Colle S. Rizzo. Il s’agit d’un carrefour entre la SS113 qui va de Messine à Villafranca et la SP50 qui du bout du cap à Sparta remonte en direction du sud-ouest le fil de la crête de montagne qui domine Messine. Le Colle S. Rizzo est le point de bascule entre le versant orienté vers la Mer Ionienne et le détroit de Messine et le versant qui glisse vers la Mer Tyrrhénienne et les îles Eoliennes.

La première partie se fait en ville. Il faut idéalement partir assez tôt le matin pour s’extraire de l’agglomération avant le fort trafic qui peut l’occuper, se faufiler aussi dans le passage étroit qu’offre la Via Palermo, entre les containers, les véhicules stationnés en double file qui font d’une route bi-directionnelle un goulet où une voiture croise à peine avec un vélo, en évitant les ornières et les nids de poule sournois du bitume cent fois rebadigeonné à la truelle, et tout en gardant un bon rythme en montée pour ne pas être en décalage trop marqué avec le flux des véhicules. Ce flux reste heureusement lent, compte tenu des obstacles. Et, plus on s’éloigne du centre, moins le trafic est dense.

On passe sous les rampes aériennes de l’autoroute et on est soudain catapultés sur une petite route de montagne, la SS113 qui monte au Colle S. Rizzo. La progression est agréable, les virages en forêt succèdent aux virages en forêt avec une caractéristique inhabituelle: l’intérieur des épingles à cheveux est pavée.

Ces pavés ont été installés à l’époque où les chariots se rendaient de Gesso à Messine pour y amener des produits agricoles au marché tôt le matin, avant de revenir en début d’après-midi chargés des marchandises acquises en ville. Les chariots roulaient sur une piste de terre et leurs roues endommageaient le revêtement fragile, principalement dans les virages et les épingles à cheveux. Ces passages sensibles furent recouverts de pavés, appelés San Pietri, en un puzzle admirable et indestructible. Aujourd’hui, les pavés subsistent, les tronçons autrefois de pistes ont été asphaltés, au profit d’une belle alternance pour le cycliste.

L’arrivée au Colle S. Rizzo n’est pas spectaculaire, un panneau usé et délavé annonce 460 m d’altitude, on parvient à ce carrefour situé à une petite dizaine de kilomètres de Messine et à 240 km de Palermo. Mais surtout c’est ici le départ d’une autre ascension, un tremplin vers un point de vue lui exceptionnel, au Monte Dinnamare… (à suivre).

 

Messina fait partie des escales de « cyclisme en croisière« , en particulier l’itinéraire « Beautés d’Italie ».

Messina – Pas de répit sur la route, mais des récompenses

Rails du tram, nids de poule, ornières, pavés, ordures éparses, briques de verre, rues étroites, stationnement en double, voire triple file, coups de klaxons, trafic dense, attaques de Goéland à coups de gouano… pas facile.
Quelques pistes cyclables sur les grands axes, mais sans continuité.



Comme les obstacles mentionnés sont rencontrés par tous les véhicules, les vélos ne sont pas désavantagés par rapport aux autres, on constate même une sorte de bienveillance des automobilistes, qui roulent il est vrai de façon assez intrépide, mais semblent prêter attention aux cyclistes, en grande majorité des sportifs en panoplie, qui le week-end foncent portés par le vent.

La prudence est de rigueur, l’attention ne peut pas se relâcher, mais il fait bon rouler à Messine et aboutir soudain à un point de vue inouï sur le port et le détroit.

Merci à Mediterranea Bike Messina!

Messina fait partie des escales de « cyclisme en croisière« , en particulier l’itinéraire « Beautés d’Italie ».

Messina – Depuis la Calabre, comme à portée de main

Depuis la Calabre, depuis le port de Villa S. Giovanni, la Sicile se trouve juste là-bas, de l’autre côté, comme à portée de main. Messine est le port d’accès à la Sicile. Incontournable. La ville s’étend au pied d’une crête qui progressivement descend vers le Capo Peloro, aussi appelé la Punta del Faro.

C’est le point le plus proche du continent. Une énorme antenne coiffe l’extrémité du cap.

À cet endroit, mais aussi dans le tout détroit, les courants marins sont réputés sournois, appelés ici les « Bastardi ».

La ville se déploie autour du port, bien protégé dans un arc de terre recourbé en forme de faucille.

Depuis le ferry qui vient de la Calabre, on ne distingue pas clairement quelle place l’agglomération manifestement dense peut bien faire aux cyclistes. Elle a en tout cas donné suffisamment d’espace à l’un d’eux, qui s’y est épanoui au point de devenir un héros du cyclisme italien et le roi des ascensions foudroyantes: Vincenzo Nibali, dont les parents tenaient un commerce dans le centre de la ville…

Messina fait partie des escales de « cyclisme en croisière« , en particulier l’itinéraire « Beautés d’Italie ».

Train+vélo en Occitanie

Voie Verte Passapaïs
Dans c!m 9, Albano Marcarini présentait l’itinéraire de Bédarieux (34) à Mazamet (81), la voie verte Passapaïs, c’est-à-dire, dans la langue occitane, « qui passe à travers deux mondes différents ».

Ce parcours suit une ancienne voie de chemin de fer, aujourd’hui désaffectée, et on roule d’un viaduc à un tunnel, puis sur une passerelle, sous un pont et encore dans une tranchée renforcée de murs de soutènement de pierre grise, en suivant le dénivelé modéré qu’un convoi ferroviaire pouvait être en mesure d’affronter.


Photos: Albano Marcarini

Retrouvez ce parcours et le texte d’Albano Marcarini dans le numéro 9 de cycle! magazine, ou encore sur www.francevelotourisme.com/itineraire/passapais, mais aussi, nouveauté cette année dans la région Occitane, profitez du train pour agrémenter et compléter vos sorties…

Occitanie Rail Tour
En effet, avec le Pass Rail Tour, on prend les TER avec (ou sans) son vélo sur 19 lignes de chemin de fer de la région Occitanie pour EUR 10 par jour (deux jours consécutifs au minimum). On voyage pour la durée du Pass en illimité, ce qui ressemble au cadre idéal pour un tour train+vélo de quelques jours, dans une région gigantesque qui a le culot de réunir des kilomètres de littoral méditerranéen, les montagnes pyrénéennes, des stations thermales, des parcs naturels…

Les lignes concernées et la densité du réseau sont présentées sur la carte de la région, en particulier la Ligne du Tarn sur laquelle se trouve Mazamet, destination de la voie verte Passapaïs.


Bon voyage, bonne route.

Claude Marthaler – Pèlerinage à Vélocio

Claude Marthaler avait déjà parlé de Vélocio dans c!m 21, en fait il y avait rédigé une « Lettre à Vélocio » où il s’adressait au père du cyclotourisme, dans la compagnie (par le biais de l’imagination en tout cas) duquel Claude semble se sentir si bien. Lors d’une rencontre avec Charles de Vivie, arrière-petit-neveu de Vélocio, il avait été question d’un itinéraire en huits lieux emblématiques de la vie du Maître que Charles de Vivie présentait dans la biographie écrite sur son ancêtre. Claude Marthaler vit dans cet itinéraire comme un pèlerinage, qu’il fit et qu’il décrit dans c!m 23 à paraître en juin 2024.

Et maintenant, ce voyage dans le sillage de Vélocio est sur le point de devenir aussi un court-métrage de Olivier Meissel dont le financement participatif est proposé sur
https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/velocio

« Un road-movie qui entremêlera mémoire et filliation vélocipédique. »

À paraître le 16 mai: New Grand Tour Cookbook

Après dix années sur les courses cyclistes de toute l’Europe, des milliers de plats cuisinés pour les coureurs, des heures à observer leurs réactions, à prendre en considération leurs préférences, dix ans après la parution du Grand Tour Cookbook, Hannah Grant présente le New Grand Tour Cookbook!

Des recettes, toutes nouvelles, cette fois plus de 120, sont présentées, avec en plus une introduction et des interviews « nutrition » d’athlètes et de spécialistes de l’alimentation sportive, femmes et hommes du monde cycliste, de tous horizons : Mads Pedersen, Matt Stephens, Cecilie Uttrup Ludwig, Rick Zabel, Ashleigh Moolman Pasio, Hugo Houle, Karin Lambrechtse, Jérôme Cousin…

Alliez le plaisir de cuisiner, de déguster et, pour ceux qui partent rouler sur les routes, de mettre tous les atouts de votre côté pour passer aisément et plus rapidement les cols et la ligne d’arrivée.

Parution prévue le 16 mai 2024!

Vallée de la Valserine

Mars 2024

Bellegarde est tout en bas, tout au fond même, empêtrée entre le canyon creusé par le Rhône, le pont de l’autoroute, les montagnes de l’extrémité occidentale du Jura. Le col de la Faucille est tout en haut. La D991 les relie en une longue bande de bitume de 40 kilomètres jusqu’à Mijoux puis encore une demi-douzaine (D936) de Mijoux au col. La montée se fait en rive gauche de la Valserine, toujours à distance notable de la rivière dont on sent la présence mais qu’on ne côtoie pas.

C’est une belle montée, progressive, mais longue, ponctuée de redescentes pour respirer, avaler rapidement quelques kilomètres, mais au prix d’une augmentation des mètres de dénivellation à surmonter au total.

De Bellegarde (Valserhône) à près de 250 mètres d’altitude au col de la Faucille à exactement 1323 mètres, on traverse les différents types de végétation et de culture, dans le Parc régional du Haut-Jura. D’abord dominent les champs et les pâturages où le dégagement est vaste sur la périphérie industrieuse de Bellegarde et les montagnes vers le nord-ouest. Puis on voit étonnamment des buis et des chênes qui donnent un aspect presque méditerranéen au cadre dans lequel on roule. Des forêts de hêtres arrivent alors, très denses, seule la D991 que l’on suit offre une perspective. Avec l’altitude on retrouve des clairières et des pâturages ponctués de conifères. Depuis Mijoux, la dernière partie de l’ascension se fait en forêt de sapins blancs et d’épicéas. On roule dans un des confins préservés et calmes de la France qu’il faut aller explorer.

Si l’on choisit bien la période, le calme caractérise la montée, le trafic vers les villages posés pour ainsi dire à équidistance les uns des autres sur la D991 reste modéré. On peut se concentrer sur le dosage de l’effort, le rythme des coups de pédale, la discipline d’une gorgée d’eau bienfaisante de temps à autre.

Sur le bord de la route des panneaux indiquent les kilomètres comptés de 1 à 40 en partant de Mijoux. On est d’abord effrayés en roulant depuis le bas de la vallée à Lancrans, 39, 38, 37… puis on les oublie lorsque la bonne cadence s’est installée.

On croise des bars et des restaurants dans la montée, moins dans la première moitié, tous ne sont pas ouverts, mais à Lélex (par exemple au bel Hôtel du Centre) et Mijoux, en tout cas en saison, on est sûr de pouvoir faire une pause et boire un café.

De tous les axes routiers qui convergent vers le col de la Faucille, la D991 est le plus paisible. À Mijoux on attaque sur la D936 les deux dernières rampes, plus dures, en forêt, vers le col de la Faucille. On s’extrait de la vallée de la Valserine, on s’éloigne aussi de sa partie supérieure, sauvage, là où la rivière prend sa source. Il faut poursuivre, cibler le col, basculer de l’autre côté, vers le pays de Gex plus affairé, sachant qu’on regrettera le calme de la vallée de la Valserine.

 

Ravito dominical à Peyrieu la providentielle

Mars 2024

Entre Groslée et Belley, le Rhône gigote dans le couloir qu’il s’est creusé entre les basses chaînes de montagnes entre Ain et Savoie, le fleuve contourne par le sud le Grand Thur et le Mont Géla en un tissu de cours, d’affluents, de dérivations et de petits lacs. Le parcours de la Via Rhôna se fraie un chemin dans cet entrelacs aqueux, sinue, évite, ondule, surmonte par un pont ou l’autre, à tel point que la progression du cycliste est lente, parfois joliment poussive. Le cadre est superbe et on s’accommode du rythme pépère imposé par la configuration des éléments.

Mais à l’approche de l’heure du déjeuner, à la hauteur de Murs, une impatience nous gagne. Allait-on parvenir à ce rythme à rejoindre Belley avant la fermeture des commerces et des points de ravitaillement, un dimanche à midi, une journée pluvieuse? Il semble soudain indiqué de ne pas rater la dernière boulangerie encore ouverte pour le midi, et une envie prend le dessus de rejoindre Belley un peu plus rapidement. Histoire de dérouler les kilomètres jusqu’à l’objectif du jour, nous décidons alors de couper au plus court, par la D992, rive droite, tandis que la Via Rhôna poursuit sa bonne dame de chemin sur l’autre rive du fleuve, loin du trafic routier.

Peur d’arriver trop tard à Belley? Il était dit que nous n’arriverions pas dans la paisible sous-préfecture dans les temps. En effet, quelques kilomètres après s’être lancés sur la D992, nous tombons à Peyrieu sur l’incontournable Bar Hôtel Restaurant de la Poste. Une île pour les naufragés, un appât pour le cycliste affamé. Le bâtiment est modeste, une enseigne rouge alerte le voyageur comme une balise, une terrasse de poche à deux tables promet des apéritifs paisibles. Tandis que, abandonnant inconsciemment tout autre objectif, nous parquons les bicyclettes, une ombre surgit derrière la fenêtre du bar, on nous observe à la dérobée. Nous sommes repérés.

Dans le bar, deux habitués éclusent des pastis, nous nous installons près d’un poêle ancestral, les tables et les chaises sont patinées, les nappes brodées. La perspective d’un café nous enchante, alors si en plus il est possible de manger le midi, la joie nous étouffe à l’idée de satisfaire un appétit bien aiguisé après les kilomètres de la matinée dans les frimas d’un début de mois de mars encore hivernal.

On peut parler ici d’un accueil chaleureux, d’un cadre à l’ancienne immuable, le mobilier, la vaisselle, la déco affichent le lustre que seul le temps a pu créer. Ici on aime le foot, une photo de l’équipe héroïque de Saint-Etienne domine la petite salle, la tignasse rousse de Robert Herbin et les longs cheveux de ses joueurs donnent le ton de l’époque à laquelle le temps s’est suspendu, pour mieux profiter d’une intemporalité éternelle et bienfaisante.

On déguste une assiette de crudités, un boeuf bourguignon ou des diots, avec un pichet de rouge, puis un vacherin glacé pour le dessert.

Le Rhône et ses caprices qui font pédaler plus que nécessaire et ouvrent l’appétit, l’accueil providentiel d’une aubergiste altruiste, le calme d’un joli village paisible qui contribue à la beauté et à l’attrait de la France: merci, nous sommes comblés, et prêts et repartir sur les routes.